"Les droits de l'homme ne nous feront pas bénir le capitalisme. Et il faut beaucoup d'innocence, ou de rouerie, à une philosophie de la communication qui prétend restaurer la société des amis ou même des sages en formant une opinion universelle comme "consensus" capable de moraliser les nations, les Etats et le marché. Les droits de l'homme ne disent rien sur les modes d'existence de l'homme pourvu de droits. Et la honte d'être un homme, nous ne l'éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Levi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d'existence qui hantent les démocraties, devant la propagation de ces modes d'existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L'ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous cessons de passer avec elle des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissant motif de la philosophie.Nous ne sommes pas responsables des victimes, mais devant les victimes. Et il n'y a pas d'autre moyen que de faire l'animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l'ignoble : la pensée même est parfois plus proche d'un animal qui meurt que d'un homme vivant, même démocrate."
G. Deleuze, F. Guattari Qu'est ce que la phlosophie?
"L'instruction généralisée devait permettre à l'homme du commun de contrôler son environnement. A en croire la doctrine démocratique, une fois qu'il saurait lire et écrire il aurait les capacités intellectuelles pour diriger. Au lieu de capacités intellectuelles, l'instruction lui a donné des vignettes en caoutchouc, des tampons encreurs avec des slogans publicitaires, des éditoriaux, des informations scientifiques, toutes les futilités de la presse populaire et les platitudes de l'histoire, mais sans l'ombre d'une pensée originale. Ces vignettes sont reproduites à des millions d'exemplaires et il suffit de les exposer à des stimulis identiques pour qu'elles s'impriment toutes de la même manière. Il peut paraître abusif d'affirmer que le grand public américain doit la plupart de ses idées à une technique de vente en gros. Le mécanisme qui permet la diffusion à grande échelle des idées a pour nom propagande : soit, au sens large, tout effort organisé pour propager une croyance ou une doctrine particulière."
Edward Bernays, Propaganda, éd. H Liveright 1928
"Nous ne sommes plus au temps où les dramaturges voulaient expliquer à leur public la vérité des relations sociales et les moyens de lutter contre la domination capitaliste. Mais on ne perd pas forcément ses présupposés avec ses illusions, ni l'appareil des moyens avec l'horizon de ses fins. Il se peut même, à l'inverse, que la perte de leurs illusions conduise les artistes à faire monter la pression sur leurs spectateurs : peut-être sauront-ils, eux, ce qu'il faut faire, à condition que la performance les tire de leur attitude passive et les transforme en participants actifs d'un monde commun."
Jacques Rancière le spectateur émancipé
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